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Aymar du Rivail

Description du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, de la Bresse et d'une partie de la Provence, de la Suisse et du Piémont au XVIe siècle;
Extraite du premier livre de l'Histoire des Allobroges par Aymar Du Rivail,
Traduite, pour la première fois, sur le texte original publié par M. Alfred de Terrebasse;
précédée d'un introduction et accompagnée de notes historiques et géographiques par
M. Antonin Macé,
Ancien élève de l'école normale supérieure, Professeur d'histoire à la Faculté des lettres de Grenoble

Description de l'exemplaire  (Voir : Notes sur la description des ouvrages)

Grenoble, Ch. Vellot & Cie, libraires,
F. Allier père & fils, imprimeurs, 1852
In-8° (215r x 133r mm), XXXVI-364 pp.
Description du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, Aymar Du Rivail, Antonin Macé : titre Description du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, Aymar Du Rivail, Antonin Macé : reliure
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Notes sur l'exemplaire

Demi veau havane glacé, dos à 4 nerfs orné de filets dorés, pièces de titre en maroquin noir, tranches marbrées bleues.
Trois ex-libris héraldiques sur le premier contre-plat (voir ci-dessous).

Notes sur l'ouvrage

Traduction du premier livre de l'Histoire des Allobroges d'Aymar du Rivail, qui donne la description d'une vaste zone couvrant la Savoie et le Dauphiné, en y incluant la Bresse au nord, et le Comtat-Venaissin au sud. Ce texte, écrit dans la première moitié du XVIesiècle, a d'abord été publié en 1844 dans sa version latine, ce qui le rendait guère accessible au public cultivé, interessé par l'histoire de la région. Antonin Macé a entrepris de le traduire, complété de notes, pour le faire connaître au public dauphinois. Récemment arrivé dans la région, c'est sa première contribution à l'histoire régionale.

Le contenu de cet ouvrage est le suivant : 

Faux titre et titre (pp. I-IV).

Avant-propos du traducteur (pp. V-XVI), signé et daté en fin : Antonin Macé, Grenoble, le 31 octobre 1852. Dans cet avant-propos, Antonin Macé présente sa démarche de traducteur, en particulier les choix qu'il a faits de couper une partie du texte original. Il s'en explique : "J'ai désiré n'extraire de ce premier livre que les renseignements utiles pour la géographie comparée du Dauphiné et des contrées voisines, dans l'antiquité et au XVIe siècle; les faits les plus curieux relatifs à telle ou telle localité, surtout lorsqu'Aymar parle en son nom et donne à sa description un caractère personnel; enfin les détails sur la géographie physique et sur les voies de communication qui existaient du temps de notre auteur. Ce sont là des points utiles à connaître; ce sont ceux que j'ai recueillis avec soin, sauf, quand il y avait lieu, à les contrôler, dans mes notes, par l'examen critique des textes, et à les compléter par l'indication de l'état actuel. Mais j'ai retranché toutes les fables qui avaient cours, au XVIe siècle, sur les origines des villes, et qui résultaient d'une tendance, alors presque générale, à expliquer les noms des villes et des peuples par des noms d'hommes, et à dresser des listes chronologiques de rois imaginaires, remontant, les plus récents, jusqu'à la guerre de Troie, les autres jusqu'au déluge." (pp. V-VI)

Il poursuit en expliquant qu'il a pu confronter le texte avec le terrain : "Je puis dire, du moins, que je n'ai reculé devant aucune fatigue, ni aucun sacrifice, pour aller éclaircir par moi-même, et sur les lieux, les questions qui me semblaient douteuses. Je ne regretterai ni ces sacrifices, ni ces fatigues, si, comme je l'espère, mes travaux font faire aux sciences historique et géographique quelques progrès." (p. VII).

Il défend ensuite sa démarche en expliquant comment il enrichit un texte d'histoire régionale par sa connaissance de l'histoire générale, ce qui, lui semble-t-il, est la faiblesse des travaux régionaux : "éclairer l'histoire locale par des connaissances puisées dans l'histoire générale." (p. IX)

Enfin, il appelle de ses vœux la publication de guides sur la province, qui fassent le lien entre deux types d'ouvrages : "Nous avons donc deux classes de livres sur nos départements : ceux qui s'adressent exclusivement aux savants et aux administrateurs [les statistique départementales], et dont l'utilité n'est pas plus contestable que le mérite; ceux qui s'adressent à la foule, qui n'apprennent rien à personne et ne peuvent que propager et entretenir de fausses idées."

Il termine par une synthèse des connaissances sur la vie d'Aymar du Rivail.

Introduction. Rapport sur l'ouvrage : Aymari Rivallii Delphinatis, De Allobrogibus. Libri novem. Ex autographo codice Bibliothecae Regis editi. Cura et Sumptibus Aelfredi de Terrebasse, Viennae Allobrogum, apud Jacobum Girard, bibliopolam. (pp. XVII-XXXVI), signé et daté en fin : Antonin Macé, Grenoble, 2 avril 1852. Reproduction d'un rapport d'Antonin Macé à l'occasion de la publication de l'édition latine de cet ouvrage, d'abord présenté devant l'Académie Delphinale, dans sa séance du 2 avril 1852, et inséré dans le Courrier de l'Isère, n° des 22 et 20 avril, 1er et 6 mai de la même année.

Tout le début de cette introduction situe ce texte dans l'historiographie du début du XVIe siècle, dominée par l'imitation de Tite-Live, ce qui a conduit à un abus d'explications fondées sur les origines troyennes de tous les peuples et personnages et à des etymologies fantaisistes. Il relève longuement les difficulté avec le latin qui ne rend pas les concepts modernes (grâce, Eglise, parlements, etc.)
Il fait ce constats sévère : "Tout cela donne, je le répète, à l'ensemble du livre quelque choses d'indécis. Evidemment ce n'est pas une œuvre d'art. Si, du moins, ce défaut était racheté par l'exactitude matérielle, on serait porté à l'indulgence. Par malheur les erreurs de détails, de faits, de dates, sont fréquentes même dans les parties de l'histoire générale, qui sont et étaient déjà le mieux connues." (p. XXIII) A. Macé se lance alors dans une recension des erreurs, incohérences et contradictions d'Aymar du Rivail, attribuant à juste titre une part de ses "bévues" à "un zèle patriotique et provincial exagéré." (p. XXV). Il en vient ensuite à ce qui fait tout de même l'intérêt de ce travail et justifie la traduction qu'il souhaite en donner : "Mais, sauf ces réserves, on ne peut trop remercier Aymar du Rivail des précieux renseignements qu'il nous donne sur la situation de toutes ces contrées vers le milieu du XVIe siècle. C'est une excellente topographie, très curieuse, très précieuse, très exacte encore aujourd'hui en ce qui concerne au moins la géographie physique [...]. J'espère pouvoir le prouver, de mon côté, à l'Académie, en lui soumettant, dans des séances prochaines, une traduction des parties les plus curieuses de ce premier livre". (p. XXVIII)
Antonin Macé en profite pour discuter quelques points de géographie historique locale comme de déterminer où le Drac se jette dans l'Isère, le cours de la Romanche, etc. dans de longues dissertations érudites et argumentées. Au passage, il égratigne les personnes "instruites" qui défendent des "légendes populaires". Comment les Dauphinois ont-il perçu ces leçons données par un professeur fraîchement débarqué en Dauphiné ?
Signalons que, plusieurs fois, la pudibonderie propre au XIXe siècle se trouve malmenée par la crudité des propos de l'homme du XVIe siècle. Lorsque Aymar du Rivail parle de sa femme Margo, A. Macé relève qu"il s'arrête pour entrer dans des détails singulièrement intimes sur les qualités et les vertus de cette femme adorée", dont il ne donne que la version latine. Lorsque il cite l'étymologie qu'Aymar du Rivail donne de Cularo (Grenoble), A. Macé parle d'"une étymologie qui ne peut être citée qu'en latin" car Aymar du Rivail fait venir Cularo de "Cul". A. Macé ajoute : "On pourrait assurément désirer des expressions un peu plus convenables" (p. XXI)

Description du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, de la Bresse et d'une partie de la Provence, de la Suisse et du Piémont au XVIe siècle. Texte principal (pp. 1- 313)

C'est le corps de l'ouvrage qui donne la traduction en 27 chapitres du premier livre de l'Histoire des Allobroges, d'Aymar du Rivail. Le premier chapitre donne le cadre géographique général : "Bornes et divisions du pays des Allobroges. (Savoie et Dauphiné)". Il s'agit d'une géographie historiques basée sur l'histoire des peuples anciens qui ont habité la région. Chaque chapitre contient des notes abondantes d'Antonin Macé, essentiellement consacrées à éclaircir des points du texte et à discuter des hypothèses, comme par exemple le tracé de la route de Grenoble à Briançon par Bourg d'Oisans et les stations de la carte de Peutinger (pp. 59-64), les frontières du pays des Allobroges et des peuples voisins (Cavares, Voconces, etc.) ou encore une discussion sur quelques merveilles du Dauphiné (pp. 194-200) avec, en particulier, une petite note sur l'ascension du Mont-Aiguille ("Mont Inaccessible").
Certains chapitres sont plus particulièrement consacrés à des villes du Dauphiné, de la Savoie et, pour partie, de la Provence : Vienne, Romans, Grenoble, Chambéry, Genève, Valence, Montélimar, Orange, Avignon, Die, Vaison, Nyons, avec, pour chacune d'elles, un description des environs, ce qui permet ainsi de couvrir tout le territoire. Pour englober l'ensemble du Dauphiné, il s'intéresse aux peuples voisins des Allobroges comme les Cavares, les Voconces, les Medulles, les Sigoriens,

Les chapitres plus spécialement consacrés aux Hautes-Alpes sont :
Chapitre XIX. Les Sigoriens et Gap. (pp. 223-233), avec un discussion sur la route d'Annibal qu'il fait passer par l'Ubaye. Il en appelle à son expérience personnelle, ce qui est novateur car ce sujet est souvent traité "en cabinet" : "Annibal monta vers les Alpes par la vallée de la Bréole; qui appartient aux Sigoriens, et après Barcelonnette, ville des Sigoriens, descendit vers l'Italie. Nous avons fréquemment vu cette route d'Annibal, depuis le pays des Allobroges jusqu'à cette partie des Alpes, et nous avons pu reconnaître l'exactitude de la description que Tive-Live a tracée de ces localités. Ceux qui croient qu'Annibal a passé ailleurs n'ont jamais parcouru ces pays et s'en réfèrent uniquement à des ouï-dire ou à des systèmes divers d'historiens." (p. 225).
Chapitre XX. Les Alpes Maritimes. Chorges et Embrun. (pp. 234-240)
Chapitre XXI. Les Alpes Juliennes et Cottiennes; Briançon.(pp. 241-261). Dans ce chapitre, c'est le seul endroit où est explicitement citée un montagne, le Mont-Viso. Tous les autres sommets de la région sont totalement ignorés (p. 247). Dans une très longue note, Antonin Macé reprend la question de la vraie source de la Durance entre celle connue au Mont-Genèvre et celle qui donne naissance à la Clarée. Il précise : "je vais reprendre la question, que j'ai étudiée sur les lieux mêmes, et l'excellente carte du général Bourcet à la main." (p. 252). Il conclut évidemment : "La véritable Durance est la rivière désignée sous le nom modeste de la Clarée, et qui, à tort, en arrivant à la Vachette, est absorbée par les géographes dans le ruisseau du Mont-Genèvre, tandis que, en réalité, elle s'aperçoit à peine de recevoir le tribut de ce ruisseau." Une autre longue note est consacrée à la Manne du Briançonnais (pp. 256-259).

Dans le Chapitre XXII. Les Garucelles et la Maurienne, il parle brièvement de l'Oisans (pp. 263-264), plus que dans le chapitre sur les "Environs de Grenoble" (p.70). Cela donne l'occasion à A. Macé de produire une note sur l'utilisation de la fiente de vache comme combustible et de l'usage de cuire le pain une fois par an. (pp. 271-272).
Sa note sur le Vénéon montre que la topographie de la région était encore très approximative pour notre savant, ce qu'il partage avec les autres écrivains sur les Alpes dauphinoises, jusqu'aux années 1860 : "LeVénéon formé de deux torrents le Vénéon proprement dit, qui prend sa source à la pointe de Chiare, le Lavet, qui sort de la pointe de la Muande dans le mont.Pelvoux, la plus haute montagne de France ( 4 300 mètres ). Après sa jonction avec le Lavet, le Vénéon arrose les vallées de Saint-Christophe et de Venosc en Oisans, et va enfin se jeter dans la Romanche un peu au-dessus du Bourg-d'Oisans." (p. 271).

Appendices (pp. 314-349). Ce sont deux notes qui, par leur développement, ont été mises en annexe :
Des divers systèmes sur le passage des Alpes par Annibal. (pp. 314-342). Les contradictions d'Aymar du Rivail à ce sujet sont l'occasion, pour Antonin Macé, de développer largement ses réflexions et son opinion sur le passage d'Annibal. Il se range à l'hypothèse du passage par le Mont-Cenis, en s'appuyant en particulier sur l'ouvrage de Larauza. Les hypothèses par les cols des Hautes-Alpes (Monte-Genèvre, Mont-Viso, Queyras, etc.) sont réfutées et discutées pp. 323-331
Des routes actuelles dans les Alpes. (pp. 343-349), qui contient en particulier un développement sur la route du Mont-Genèvre.

Additions et corrections (p. 350)

Table alphabétique et comparative des noms français et latins des peuples et pays décrits ou cités dans cet ouvrage. (pp. 351-362). Débute par un Avis concernant cette table. (p. 352). Cette table donne, pour les noms français, la traduction latine correspondante chez Aymar du Rivail.

Table des matières (pp. 363-364).

Dans son Avant-propos, A. Macé se faisait le promoteur des guides régionaux : "Avec leur esprit pratique, les Anglais ont, dans leurs Hand-Books, d'excellents modèles d'une classe intermédiaire de livres que je voudrais qu'on imitât en France. Moins secs, moins arides, moins hérissés de chiffres et de tableaux que nos Statistiques, ils sont bien autrement sérieux et instructifs que nos prétendus Guides du voyageur. On y trouve des notions simples, précises, exactes, sur la géographie physique de chaque pays, c'est-à-dire sur les montagnes, les vallées, les golfes, les îles, les fleuves, les cours d'eau; sur les canaux, les routes et leurs relais, les chemins de fer, les distances relatives des villes et même des villages;  les antiquités, les monuments, les souvenirs historiques; le commerce, l'industrie, l'agriculture; le tout accompagné de plans, de cartes, de vues admirablement exactes, et dans lesquelles l'art ne perd rien quoiqu'il n'emprunte rien à l'imagination." (pp. XII-XIII). Par cet ouvrage, il espère contribuer à cela. Il trace aussi la voie aux futurs ouvrages qu'il fera paraître. En effet, c'est le premier travail publié par Antonin Macé, breton d'origine, que le hasard des affectations a conduit en Dauphiné, région à laquelle il s'attachera et dont il deviendra un des promoteurs. Ce premier ouvrage est aussi un façon de faire connaître le passé et la diversité de la province. Plus tard, il sera un des pionniers du tourisme en Dauphiné par ses guides des chemins de fer, puis ses deux plaquettes sur les montagnes de Saint-Nizier et surtout sur Belledonne. Sur ce dernier point, il sera même un des pionniers de la découverte et de la promotion des Alpes dauphinoises.

Dans cette volonté de mettre à disposition du plus grand nombre un texte qui était inaccessible à la plupart, parce que publié en latin, on peut y voir une application pratique des idées libérales et démocratiques d'Antonin Macé. Cela va dans le même sens que les cours populaires qu'il délivrera de 1854 à 1875 pour mettre le savoir historique à la portée de tous.

Le manuscrit original d'Aymar du Rivail a été publié pour la première fois par Alfred de Terrebasse, en 1844, après avoir retrouvé la partie qui avait disparu. Cette publication a reproduit le texte latin, avec des notes en latin. Seule l'introduction est en français, avec quelques éléments sur la vie d'Aymar du Rivail. Cette belle publication, sortie des presses de Louis Perrin, était réservée à des érudits :
Aymari Rivallii [Aymar du Rivail], Delphinatis. De Allobrogibus. Libri novem. Ex autographo codice Bibliothecae Regis editi. Cura et Sumptibus Aelfredi de Terrebasse [Alfred de Terrebasse].
Viennae Allobrogum, apud Jacobum Girard, bibliopolam [Vienne, Jacques Girard, Libraire], 1844, in-8°, [6]-XXVII-608 pp.
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Les ex-libris

Le premier contre-plat contient trois ex-libris héraldiques disposés en colonne, par ordre chronologique des propriétaires de haut en bas.


Ex-libris
Description du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, Aymar Du Rivail, Antonin Macé
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Ex-libris Laurent de Crozet
66 mm x 48 mm
Ex-libris Laurent de Crozet
Ex-libris Amédée de Crozet
40 mm x 40 mm
Ex-libris Amédée de Crozet
Ex-libris Charles Schefer
63 mm x 60 mm
Ex-libris Charles Schefer

Le premier propriétaire est Laurent de Crozet :

Extrait de la notice biographique de Laurent de Crozet dans Les bibliophiles et les collectionneurs provençaux, anciens et modernes - arrondissement de Marseille, Marseille, 1897, pp. 147-152.

"CROZET (JOSEPH-LAURENT DE), né et mort à Marseille (10 décembre 1809-4 juillet 1881), fils de Pierre-Jean-Baptiste-Marie, et de Victoire d'Alayer de Costemore; époux de Thérèse-Joséphine-Elisabeth Savine.
M. de Crozet (1) n'était pas de ceux qui recherchent le bruit et la renommée ; tout au contraire, c'est sous le voile de l'anonyme qu'il a publié la plupart de ses ouvrages, et cependant, quiconque dans notre pays s'occupe d'histoire, de littérature et de bibliographie, peut apprécier son incontestable érudition. Son amour des livres était en quelque sorte proverbial : amour éclairé par un goût raffiné dont une grande fortune permettait de satisfaire les plus coûteuses fantaisies. Aussi, M. de Crozet parvint-il à former une immense bibliothèque, citée parmi les plus remarquables du Midi de la France, a l'accroissement de laquelle il mettait tous ses soins, sans partager néanmoins les errements de ces entasseurs de livres qui pensent faire beaucoup en réunissant volumes sur volumes, pour les classer selon des méthodes plus ou moins rationnelles. Les nombreux visiteurs qui franchissaient le seuil de sa maison si hospitalière restaient littéralement émerveillés à la vue des trésors de ces vitrines où le luxe des reliures, dues à nos premiers artistes, le disputait à la rareté et à la beauté des exemplaires. Et, si quelque chose égalait les richesses de cette bibliothèque, qui occupait un étage tout entier, c'était la courtoisie de son possesseur, toujours disposé à en faire les honneurs.
La science du bibliophile, chez M. de Crozet, se complétait tant par l'esprit le plus cultivé que par le goût le plus délicat. Aussi, lorsque cet homme de savoir et de bonne compagnie céda à la tentation de prendre une plume, il se révéla naturellement écrivain, et écrivain du meilleur aloi, parlant une langue franche et alerte comme son esprit, avec une pointe d'originalité et d'archaïsme qui sera toujours goûtée dans notre pays gaulois.
M. de Crozet avait rapporté de ses nombreux voyages bien des souvenirs, bien des impressions, qu'il consigna dans des plaquettes tirées à très petit nombre, et dans des articles de journaux, la Gazette du Midi entre autres, qui fut heureuse de recueillir ainsi plus d'une primeur.
Quel est donc l'amateur chez lequel on ne relève pas une bizarrerie quelconque ? M. de Crozet, lui, ne voulait pas qu'on pût se vanter de posséder la collection complète de ses œuvres, et dans ce but, il s'appliquait à ne pas faire imprimer plusieurs feuilles d'un ouvrage chez le même imprimeur, ni avec les mêmes caractères, encore moins sur le même papier. Cela seul indique la difficulté réelle qu'il fallait surmonter pour posséder toutes ses publications. Un seul homme, – un bibliophile naturellement, – c'était M. de Régis de La Colombière (voyez ce nom), réussit cependant à s'en procurer la totalité..., sauf une feuille. Ayant pu, sous un adroit prétexte, avoir communication, pendant quelques heures, d'un exemplaire où se trouvait cette fameuse feuille, il en prit à la hâte une copie à la main. Et voilà comment M. de Régis de La Colombière posséda seul, – avec l'auteur, – la collection complète des ouvrages [..., dans la version numérisés consultée, il manque la p. 149 et la p. 150 n'apporte rien sur la partie bibliophilique].
Peu d'existences ont été mieux remplies que celle de Laurent de Crozet, et c'est assurément de lui qu'on peut dire : transiit benefaciendo. A sa mort, sa bibliothèque, déjà amoindrie par une vente faite, en 1876, à la maison Bachelin-Deflorenne (2), échut en partage à l'un de ses fils, M. Amédée de Crozet, qui en céda la meilleure part à notre grand bibliophile aixois, M. Paul Arbaud. Le reste fut acquis par les libraires parisiens Claudin (3) et Détaille (4).

Ex-libris : (fig. 17) : ECU ovale, sur un cartouche que surmonte un casque taré de face, accompagné de lambrequins. Armes : D'azur, à trois croisettes d'argent accompagnées de trois étoiles d'or, mal ordonnées. Légende : BIBLIOTHÈQUE DE LAURENT DE CROZET. Le tout est entouré d'un encadrement rectangulaire, avec ces noms sur chacun des côtés : ERIC OLIMBARIUS. APICIUS A VINDEMIIS.  GHERAIOS LE  BOUQUINISTE.  MILORD BARIMBOROUGH (3). A droite, au-dessous du filet, la signature : Deloume (4). Lithographie."

(1) Son grand-père, Simon-Joseph-François, époux de Josèphe-Vincence-Marguerite de Barbarin, fut reçu secrétaire du Roi en la chancellerie du Parlement de Provence, le 8 août 1782, en remplacement de Nicolas-Balthazar Mille, démissionnaire en sa faveur. Le 26 août de la même année, il obtint des lettres de survivance. (Archives des Bouches-du-Rhône, série B, Cour des Comptes, reg. 157 (Maurepas), fos 348-352.)
(2) Catalogue de livres rares et curieux, anciens et modernes, à prix marqués, provenant de la collection de M. de C***, de Marseille, 2 parties, 1876.
(3) Catalogue de bons livres anciens et modernes  provenant de la bibliothèque de feu M. L. de C***, 1883.
(4) Catalogue des  livres composant  la  bibliothèque provençale de M. de C**, 1883.
(5) Principaux pseudonymes de Laurent de Crozet.
(6) Graveur marseillais, mort en 1867.

Le deuxième propriétaire est Amédée de Crozet, fils de Laurent de Crozet, né à Marseille le 8 novembre 1847 et décédé aussi à Marseille le 20 avril 1896. Comme on l'a vu ci-dessus, il a hérité d'une partie de la bibliothèque de son père, dont il s'est ensuite dessaisi. Signalons qu'il avait un frère, Ernest de Crozet (1850-1917), qui vivait à Oraison et était membre des sociétés des Basses et des Hautes Alpes. Il possédait lui-même un ex-libris :

Ex-libris Ernest de Crozet

Enfin, le troisième propriétaire est Charles-Henri-Auguste Schefer, né le 16 novembre 1820 à Paris où il est mort le 3 mars 1898. C'est un orientaliste, écrivain, traducteur, historien et géographe français. Sa bibliothèque a été vendue lors de plusieurs ventes :
Catalogue de livres précieux (Vente dite "Schefer et Monjomet"). Paris, Hôtel des commissaires-priseurs, salle 3, 5 avril 1880, Me Maurice Delestre
Paris, A. Labitte, [1880 ?]
Vente du 21 Novembre et des dix jours suivants,... Catalogue de bons livres anciens et modernes provenant de la bibliothèque de feu M. Ch. Schefer...
Paris, Ch. Porquet, 1898
Catalogue de bons livres anciens et modernes provenant de la bibliothèque de feu M. Ch. Schefer 2e partie [Vente Salles Silvestre 21 Novembre-1er Décembre 1898]
Paris, Porquet, 1898, 182 p.
Catalogue de vente des livres de Charles Schefer, du 17 avril à 6 mai 1899
Ernest Leroux, 1899
Vente du 8 Mai et des six jours suivants,... Catalogue de bons livres anciens et modernes provenant de la bibliothèque de feu M. Ch. Schefer,...
Paris : Ch. Porquet, 1899
Catalogue de livres anciens et modernes provenant pour la plupart de la bibliothèque de feu Ch[arles] Schefer
Maisonneuve, 1899.

Peut-être que cet exemplaire est apparu dans une de ces ventes.

Références  (Voir : Liste des sources et références)

Notice biographie de Antonin Macé

Perrin : 387
Rochas, I, 352 : « Il fournit, notamment sur plusieurs villes, des renseignements archéologiques que l'on ne retrouve pas ailleurs. Ces renseignements ont donné lieu à l'ouvrage suivant : Description du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, de la Bresse et d'une partie de la Provence, de la Suisse et du Piémont au XVIe s. Extrait du premier livre de l'Histoire des Allobroges, par Aymar Du Rivail, tr. par Ant. Macé. Grenoble, 1852, in-8° et in-12. »
BNF : 8-LK2-631