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Stéphane Juge

Guide bleu illustré des Alpes françaises. Dauphiné-Savoie.
Briançonnais – Pelvoux – Queyras – Maurienne – Tarentaise – Mont-Blanc – Beauges – Chartreuse – Vercors – Grandes-Rousses – Gapençais – Embrunais. (2e édition)

Description de l'exemplaire  (Voir : Notes sur la description des ouvrages)

Paris, Librairie du Service central de la Presse, 1896 In-12 (182r x 125r mm), [4]-519-[5] pp
31 planches photographiques pleine page dans le texte
2 cartes dépliantes in fine.
Reliure d'éditeur : pleine percaline bleu ciel, titre doré sur le premier plat et au dos.
Guide bleu illustré des Alpes françaises. Dauphiné-Savoie, Stéphane Juge : titre Guide bleu illustré des Alpes françaises. Dauphiné-Savoie, Stéphane Juge : reliure
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Notes sur l'ouvrage

Un guide des Alpes, bien illustré, où le Dauphiné est particulièrement bien représenté, et plus précisément la Grave et le massif de la Meije, à cause de l'origine familiale de l'auteur et du  parti pris d'une approche plus personnelle, voire subjective, de la description touristique. Ce guide est plus particulièrement destiné aux alpinistes et randonneurs (le terme n'était pas alors utilisé), plutôt qu'aux touristes intéressés par l'histoire et les monuments. Il contient en particulier un long récit d'une ascension de la Meije par Stéphane Juge.

Contenu de l'ouvrage :
- Annonces pour des hôtels (2 p. non chiffrées)
- Faux titre (1 p. non chiffrée), avec au recto l'annonce d'un guide, jamais paru : « En préparation : le 2me volume du Guide bleu des Alpes françaises (Provence & littoral) »
- Titre (p. 1)
- Abréviations (p.2)
- Dédicace à Georges Montorgueil (p. 3)
- Page blanche (p. 4)
- Planche photographique : La Grave (p. 5). Signée en bas à droite « Rougeron-Vignerot s.c. »
- Préface (pp. 7-11), signée Henry Fouquier. Après des généralités sur les voyages, la découverte récente de la montagne et de la nature, et sur l'intérêt des guides, il insiste sur le caractère personnel du guide : « vous avez mis légitimement à contribution les travaux de vos devanciers, mais vous y avez ajouté la note émue et personnelle, les observations et les découvertes que vous avez faites vous même sur les lieux. » Il ajoute ensuite que ce guide permet de faire connaître « des pays moins connus » comme la Tarentaise, la Maurienne, le Gapençais, le Queyras, le Pelvoux.
- Texte par Hector Pessard (p. 12), qui glorifie l'alpiniste « robuste et sain chercheur d'au-delà » alors que « pendant ce temps, le dégénéré sent son organisme trahir les maladives volontés de son cerveau. »
- L'air des montagnes, par Émile Gautier (pp. 13-16). Éloge de la qualité et de la propreté de l'air des montagnes, en particulier du point de vue de sa teneur en microbes.
- Nos Alpes, par Adolphe Tabarant (p. 16). Poème. Dernier vers : « Savoie et Dauphiné, puissants guérisseurs d'âmes ! »
- Planche photographique (p. 17).
- Les Alpes françaises (pp. 19-24). Texte liminaire de Stéphane Juge, dans lequel, au-delà de généralités sur les Alpes, il avance deux idées qui l'ont guidé dans la rédaction de son ouvrage. La première est : « Ce livre est donc un témoignage d'admiration affectueuse » à la différence des déjà nombreux autres ouvrages qui « se contentent d'être historiques, descriptifs ou scientifiques. ». Autrement dit, il revendique un ton personnel. Ensuite, il veut s'efforcer « de mettre en relief  dans [son] incursion à travers les Hautes-Alpes, l'Isère, la Savoie et la Haute-Savoie, ces deux merveilleux massifs, les plus riches du monde en attractions, ceux du Pelvoux et de la Tarentaise, trop méconnus tous deux ». On verra que l'équilibre de l'ouvrage entre les différents massifs en sera affecté. On n'échappe pas à une comparaison avec la Suisse.
- Conseils pratiques de voyage (pp. 25-35). Contient un règlement des guides. La planche photographique (p. 29) représente ses deux guides habituels de La Grave : Louis Faure et Jules Mathon. Il se fait aussi le défenseur du tourisme hivernal.
- Géographie alpiniste (pp. 36-39), qu'il divise en Bas-Dauphiné, Haut-Dauphiné et Savoie.
- Grandes routes et itinéraires (pp. 40-122). Il ne déroge pas à ce qui était le mode de présentation des guides touristiques de l'époque qui s'organisaient par routes. La description des routes étant l'occasion de citer brièvement les principales curiosités, dont certaines seront développées plus largement dans la partie suivante. Comme on le verra tout au long de l'ouvrage, le parti pris au profit de tout ce qui concerne les Alpes dauphinoises et plus particulièrement la vallée de la Romanche se note aux nombreuses pages détaillées consacrées à la route de Grenoble à Briançon et plus spécifiquement le tronçon Bourg d'Oisans-Briançon (pp. 84-90), avec cette remarques personnelle : « J'ai fait souvent cette route à pied, sans jamais m'en lasser. Les mesquins soucis de la vie parisienne s'évanouissent bientôt en présence d'un si magique spectacle. J'étais conquis tout entier par l'admiration, et j'aurais voulu pouvoir crier mon enthousiasme au monde. » (p. 84)
Grands centres d'excursions (pp. 123-465). Dans cette deuxième partie, descriptions à partir des centres de tourisme, pour les 4 grandes régions : Dauphiné, Haut-Dauphiné, Savoie occidentale, Savoie orientale. Les deux premières régions représentent plus de 200 pages alors que les 2 Savoies représentent seulement 130 pages, preuve que ce guide est plus complet sur le Dauphiné que sur la Savoie. Autre preuve, Chamonix a droit à 19 pages quand La Grave est décrit sur 36 pages. Plus de 130 pages sont consacrées au seul Haut-Dauphiné. Pour chaque centre, Stéphane Juge s'attache surtout à décrire les excursions possibles, des plus accessibles jusqu'aux ascensions réservées aux alpinistes. L'aspect historique ou monumental est souvent mis au deuxième plan. Il nous donne aussi les tarifs des courses. C'est donc bien un ouvrage orienté vers l'alpinisme et la randonnée (terme qui n'était alors pas utilisé) plutôt qu'au tourisme. Le chapitre consacré à La Grave (pp. 187-22) est une vraie déclaration d'amour à ce petit bourg et aux montagnes qui l'entourent, dont la fameuse Meije. Pour illustrer l'ascension de ce sommet, il ne donne rien moins que des extraits d'un article qu'il a consacré à l'ascension de ce sommet (pp. 205-211). Il finit par : « La Meije, vantée et idéalisée par vingt poètes et artistes, a produit une véritable secte de fanatiques : les « Meijistes ». Elle doit être considérée comme la Madone des Alpinistes, la Reine la plus altière de tous les peuples de sommets. » (p. 212) Cette partie est illustrée de deux planches photographiques représentant la Meije depuis la Grave et le Grand-Galibier. Pour finir, dans cette partie, lorsqu'il parle de Villar d'Arène, il apporte cette notation personnelle qui explique aussi sa préférence pour cette région : « L'auteur de ce guide s'honore de descendre d'une vieille famille d'instituteurs de Villard-d'Arène, dont plusieurs représentants aujourd'hui exercent encore le professorat dans les départements des Hautes-Alpes, de la Loire et du Rhône. » (p. 195)
Renseignements généraux. Hôtels – Magasins – Voitures – Guides des principaux centres d'excursions. Maisons recommandées. (p. 467-481).
Annonces commerciales (pp. 482-497), essentiellement pour des hôtels.
Différentes tables, dont une table alphabétique (index) (pp. 499-519)
Les 4 dernières pages non chiffrées sont des feuillets pour prendre des notes.
Les deux cartes dépliantes in fine en couleurs sont :
- Carte des voies d'accès et des centres d'excursions du Dauphiné, dressée par H. Duhamel et datée de 1894
- Carte spéciale du  Guide bleu des Alpes françaises. Elle ne couvre que la Savoie.

Les 31 planches photographiques, bien qu'imprimée sur un papier spécial, sur une seule face, sont incluses dans la pagination. Certaines sont signées Rougeron-Vignerot s.c.

Maison de La Grave
(Les guides Louis Faure et Jules Mathon)

Guide bleu illustré des Alpes françaises. Dauphiné-Savoie, Stéphane Juge
La Meije et ses glaciers
(Vue de l'hôtel de la Meije)

Guide bleu illustré des Alpes françaises. Dauphiné-Savoie, Stéphane Juge
La chaîne de la Meije
(Vue du Grand-Galibier)

Guide bleu illustré des Alpes françaises. Dauphiné-Savoie, Stéphane Juge
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Les deux dernières planches ont été référencées par Paul Guillemin dans son ouvrage La Meije dans l'image, sous les numéros 169 et 170 : "Ils sont en outre reproduits dans l'Album du Guide bleu des Alpes Françaises, in-8 oblong." Autour de cet ouvrage, Paul Guillemin référence aussi, en 1893 :
164. Pic de la Meije, vu du Grand Hôtel de la Meije. Delfosse et Carlier. Le dessin est de M. J. Ragot. Dans les épreuves du Guide en préparation : Les Alpes françaises, Guide illustré, Dauphiné, Savoie, par Stéphane Juge. Paris, librairie du Service central de la Presse, 2 vol. in-8°. (Cette gravure n'a pas été publiée.)
et en 1894 :
172. Chaîne de la Meije (vue du Grand-Galibier).  Affiche du Guide bleu des Alpes françaises, par Stéphane Juge. Paris, Draeger et Lesieur.

La première édition de ce guide a paru en 1894, aussi publié par le Service central de la Presse, avec une pagination plus réduite de 457 pages et une reliure d'éditeur différente : reliure souple pleine basane bleue, tête dorée. Elle comporte déjà 31 planches photographiques, mais, semble-t-il, qu'une seule carte.

Cette annonce de parution montre bien l'accent mis sur les montagnes du Dauphiné. Elle a paru en 4e page d'un 4 pages publié par le Service central de la Presse suite à l’assassinat de Sadi Carnot en juin 1894. La parution est prévue pour le 8 juillet 1894.

Guide bleu illustré des Alpes françaises. Dauphiné-Savoie, Stéphane Juge
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L'accueil critique dans les Alpes, dans le milieu alpiniste et, plus spécifiquement, dans le milieu des alpinistes dauphinois, a été mitigé. Ni l'Annuaire du Club Alpin français, ni l'Annuaire de la Société des Touristes du Dauphiné n'ont annoncé la parution du guide. Il est seulement référencé, sans commentaire, dans le Bulletin de la Société d'Études des Hautes-Alpes, année 1894. Stéphane Juge n'a pourtant pas ménagé ses efforts pour se faire admettre. Il adhère à la Société des Touristes du Dauphiné en mars 1893. Les bulletins de 1893, 1894 et 1895 annoncent ses ascensions. Malgré cela, dans l'Annuaire de 1896, il reçoit le coup de grâce, de façon assez indirecte. Dans une Bibliographie topographique de la région (pp. 291-316), son ouvrage est référencé p. 305. Ce n'est qu'au détour du commentaire sur le Guide du touriste en Savoie, de A. Weissen (p. 316), qu'un avis, sans appel, est donné : « Publication peu sérieuse, très supérieure toutefois au Guide-Bleu de S. Juge. » Une note précise (p. 291) : « Cette énumération, empruntée en partie au Guide du Haut-Dauphiné de Perrin, Duhamel et Coolidge, comprend également un grand nombre d'indications nouvelles que nous ont données avec une grande complaisance MM. Duhamel, Coolidge et Vernier. » Dans ce procédé un peu tortueux, faut-il voir la patte de Henry Duhamel ? 

De façon moins polémique, A. Raymann, dans son Evolution de l'Alpinisme dans les Alpes Françaises, juge cet ouvrage. Dans le chapitre Ouvrages généraux sur une région ou un massif déterminé. – Guides. (p. 231), après avoir fait l'inventaire des guides sur le Dauphiné, avec une mention particulière pour le Guide du Haut-Dauphiné, et sur la Savoie, il termine par : « Plusieurs guides ont paru dans les années suivantes. Mais tous, qu'ils aient nom Guide bleu des Alpes françaises de Stéphane Juge, ou Guide du touriste en Savoie de A. Weissen (1889), ou Guide du baigneur en Tarentaise par Laissus (1894), sont sans grande valeur. Leurs renseignements sont souvent insuffisants et parfois inexacts. » (p. 245)

Je n'ai trouvé qu'une critique positive, celle de Paul Ginisty dans le numéro du 3 août 1894 de Gil Blas (n°5372) :
« Pour lui, c'est en France que reste M. Stéphane Juge, et c'est quelque chose comme un monument de piété — mais de piété active — qu'il élève aux Alpes françaises, qu'il a parcourues dans tous les sens, avec une ferveur toujours nouvelle, car il a la passion de la montagne et il a escaladé tous les sommets, toutes les cimes. Son ascension du redoutable pic de la Meige, le plus redouté des pics, fit même quelque bruit l'an dernier.
M. Juge est le plus convaincu, mais aussi le plus engageant des alpinistes, et il trouve parfois une véritable éloquence pour exalter les joies particulières, mêlées d'un légitime orgueil, qu'éprouve l'ascensionniste parvenu, après tant de fatigues et de difficultés, au but qu'il s'était proposé. Il y a une page célèbre de Michelet où il dit que ceux qui se prennent corps à corps avec la montagne ne donnent pas la vraie raison de leurs efforts quand ils les colorent de motifs scientifiques. Le réel, c'est qu'ils montent pour monter. M. Juge a vécu cette page-là, et il se sert d'un mot qui me paraît caractéristique quand il écrit qu'il a pour les Alpes du Dauphiné et de Savoie une admiration « affectueuse ».
On s'en aperçoit bien à ce que les itinéraires qu'il trace pour la conquête des sites alpestres sont tout imprégnés de souvenirs, les souvenirs de campagnes d'un rude marcheur qui, le pic et le piolet à la main, n'a plus laissé de sommets inviolés. De là la pittoresque description, vivante et émue, des monts où il s'est frayé un passage, parfois en plein hiver. Car de la montagne M. Juge, poète en cela, aime jusqu'aux bourrasques, aux tourmentes, aux tempêtes de neige. Ce sont de mâles et fortifiantes jouissances que celles-là, nées de sublimes spectacles!
On commence à être un peu las des beautés de la nature, « truquées » par l'industrie des hôteliers. M. Juge nous dit, lui, les coins inconnus de nos régions montagneuses françaises, les merveilleux panoramas point préparés, les splendeurs non tarifées, et c'est plaisir de le suivre — fût-ce par la pensée, seulement, hélas ! Heureux ceux qui referont ces excursions, auxquelles invite son livre, un des plus sincèrement vibrants qu'on ait écrit sur « nos » Alpes! »

Lorsque l'on sait que Paul Ginisty était un des contributeurs des textes introductifs de la première édition, on comprend mieux. Puis, quand on sait que Stéphane Juge dirigeait une agence de presse parisienne, le Service central de la Presse, on comprend encore mieux la bienveillance des journalistes et la présence de nombreux textes introductifs par des "publicistes" de l'époque.  En effet, Stéphane Juge a sollicité de nombreuses personnalités pour des textes d'introduction. Ce sont toutes des personnalités du milieu de la presse parisienne de l'époque :
- Octave Lebesgue dit Georges Montorgueil (1857-1933) est un journaliste et écrivain français. Il travailla notamment à L'Écho de Paris. Il devint ensuite chef des informations à L'Éclair, et enfin rédacteur en chef au journal Le Temps jusqu’à sa mort. Il dirigea à partir de 1900 L'Intermédiaire des chercheurs et curieux. (Wikipédia).
- Henry Fouquier (1838-1901), est un journaliste, écrivain, dramaturge et homme politique français (Wikipédia).
- Hector Pessard (1836-1895) : Journaliste, homme de lettres, critique musical et dramatique. - Directeur du Bureau de la presse au ministère de l'intérieur (1878). - Directeur du journal Le National (BNF).
- Émile Gautier (1853-1937) est un journaliste.  Il collabora à divers journaux, dont L'Écho de Paris (Wikipédia).
- Adolphe Tabarant (1863-1950) à Paris, est un journaliste, écrivain et critique d'art socialiste libertaire. Il a écrit de nombreuses études sur les peintres impressionnistes (Wikipédia). Texte.

Références  (Voir : Liste des sources et références)

Notice biographique de Stéphane Juge

Perret : 2413 « Un guide touristique sur les montagnes de la Savoie et du Dauphiné. Ce guide accorde une bonne place à l'Oisans, et en particulier à La Grave et à la Meije, région d'origine de l'auteur ». Il ajoute : « Stéphane Juge est d'une célèbre famille originaire de La Grave. » Ne cite que la première édition.
Perrin : 313, pour la première édition.
BSEHA(B), 1894 : p. 276.
Raymann : 472
Pour la première édition (5 exemplaires au CCFr) : 
BNF : 8-LK1-279, BNF (Richelieu) : GE FF-3748, BMG : V.28836, BAGNERES DE BIGORRE – BM (Fonds local) : LA 12 / 509, ANNECY – BM (Fonds Savoie) : S G – 10
Pour la deuxième édition, un seul exemplaire au CCFR : BMG : V.25995